La Forge

Monsieur MARCHAND, père dans les années 1950

   Pour le ferrage à la main, c’est un teneur de pied qui aide le maréchal, comme on le voit sur la photo au-dessus. Quand le cheval est trop rebelle au ferrage un assistant lui tord le nez au moyen d’un tord-nez ; autrefois en été, l’arpette chassait les insectes qui pouvaient énerver le cheval, à l’aide d’un émouchoir (confectionné avec une queue de cheval). On ferre de moins en moins à la main par manque de teneur de pied.

 

   Le ferrage dans le travail est moins dangereux, mais plus long puisqu’il faut effectuer une à une les diverses opérations par pied. Le ferrage proprement dit comporte 5 opérations :

 

   Le premier travail, c’est d’enlever le vieux fer. Avec le brochoir et le dérivoir, on fait sauter complètement les rivets ; puis à l’aide des tricoises, on enlève les clous et enfin le fer. Le pied étant déferré, le maréchal l’examine et le cure si nécessaire.

 

   En second lieu, il faut parer le pied, c’est-à-dire le disposer à recevoir le fer, en le rapprochant de la forme naturelle. La corne doit être enlevée de manière à mettre le sabot sans son aplomb régulier. Ceci est très important ; en effet, un pied en mauvais aplomb peut entraîner des accidents de toute nature : glissades, chutes, entorses, efforts de tendons, etc. On enlève la corne en trop à l’aide du rogne-pied et du brochoir. On obtient ainsi une surface d’appui horizontale. Autrefois, on taillait la fourchette avec un outil appelé boutoir ; ceci a été abandonné car trop dangereux pour les mains du teneur de pied. Pour les pieds de devant, on passe la râpe sur le billot.

 

   Troisièmement, il faut préparer le fer, pour qu’il soit bien ajusté à la forme du pied. C’est le travail le plus difficile en maréchalerie : celui que l’apprenti apprend en dernier. Le fer est mis au feu et apporté sur l’enclume. Le maréchal lui donne rapidement le tour du pied, lui donne la tournure, la garniture et l’ajusture. Donner la tournure, c’est donner au fer le contour exact du pied, sauf en arrière où il doit progressivement déborder pour avoir la garniture nécessaire. La garniture est la partie du fer qui dépasse le contour du pied.

 

   Enfin l’ajusture est une incurvation du fer formant une convexité du côté du sol et une concavité du côté du pied ; en général, on ne pratique l’ajusture qu’en pince et d’environ 4 millimètres.

 

   Le fer peut exercer une influence considérable sur l’assiette du pied ; la préparation est donc très importante.

   La quatrième opération consiste à faire porter le fer. Le fer préparé est présenté chaud sur le pied. Si le fer, légèrement appuyé sous le pied ne va pas, il est immédiatement rectifié sur l’enclume et présenté de nouveau. Alors l’ouvrier peut faire porter définitivement. Faire porter, c’est appliquer fortement et rapidement le fer chaud sous le sabot, dans la position qu’il aura lorsque le pied sera ferré. Le fer est maintenu droit par les tricoises, puis frappé en pince avec les tenailles, pour incruster le pinçon. Le fer produit une large empreinte de corne brûlée qui indique l’étendue et l’exactitude du contact avec le sabot. Le fer qui a porté est refroidi dans l’eau.

 

   Enfin, en cinquième lieu, on attache le fer. Le maréchal présente le fer sur le pied et régularise la corne de la paroi avec la râpe. Puis il broche, c’est-à-dire qu’il enfonce les clous dans la corne sans aller dans la partie sensible. Les clous qui ressortent de la paroi du sabot, sont coupés et enfin rivés à l’aide des tricoises et du brochoir.

   Le surquouage consiste à couper la queue du cheval. On dit surquouer ou sourquouer. Chez un cheval non surquoué, la queue peut aller presque jusqu’au sol.On coupe la queue pour deux raisons : d’hygiène et de commodité. En effet la queue gêne pour harnacher le cheval. La queue étant coupée à environ 20 centimètres ; il est beaucoup plus facile de passer la croupière. En général on procède au surquouage pour tout les chevaux de trait. Cela se fait aussi traditionnellement dans la race percheronne. Par contre les demi-sang et les pur-sang ne sont pas surquoués. Le surquouage est interdit en Angleterre. L’opération se passe ainsi. On relève le crin de chaque côté de la chair de la queue. On coupe la queue, c’est-à-dire la chair, les veines, les nerfs, les vertèbres à l’aide d’un coupe-queue. Il s’ensuit bien sûr une grosse hémorragie que l’on cautérise avec un fer chaud, appelé brûle-queue. Les réactions du cheval sont parfois violentes et dangereuses.

Le Maréchal-Ferrant Jean MARCHAND en 1983

Impasse de la Forge, cour de la forge en 1984